22 septembre 2011

Déjeuner en pets

Pour accompagner mon bol de café matinal, j’ouvre un magazine culturel. J’en tairai le nom, pour préserver l’emploi dans ce secteur déjà sinistré qu’est le journalisme. Un crayon de papier à la main, je souligne toutes les phrases en jargon qui s’offrent au lecteur : elles sont nombreuses, je m’amuse.
Bonjour le pathos. Pour commencer, un artiste n’a pas de style, il « déploie une grammaire visuelle qui lui est propre ». Un décor possède des « lignes de fuite », sinon il peut aller se faire déconstruire ailleurs. Un spectacle n’est pas seulement original, il doit « détricoter les codes du genre ». Un metteur en scène ne se contente pas de monter un spectacle ; il (ou elle) « adopte une posture volontiers politique », par exemple quand il montre des mickeys qui dansent sur scène « pour leur émancipation » : ce faisant, le créateur « s’attaque aux processus d’aliénation », aux « structures normatives ».
Mais l’essentiel, n’est-ce pas que l’artiste soit « décomplexé » ? Qu’il « assume l’envie de se faire plaisir » ? Mais alors, que se passerait-il s’il assumait l’envie de se faire mal ou de faire mal aux autres (ce qui arrive plus souvent qu’on ne croit) ? On ne pourrait pas lui en vouloir, c’est qu’il aurait « pris des risques » en « optant pour une série d’options radicales ».
Ne pas oublier que toute création réussie est, forcément, « jubilatoire et salutaire » : le plaisir ne suffit pas, il faut en plus qu’il nous soigne. Les effets de l’art sur le cerveau ne sont plus à démontrer : toute œuvre se voit étiquetée « antidote au prêt-à-penser ». Attention, quand on aime, on devient forcément « accro » - mais, contrairement à la cigarette, cela ne tue pas. Car les rivages de l’Art sont aussi, cela va de soi, ceux du Bien.