13 janvier 2013

Où sont les Frenchy Riot ?


Les femmes sont à la fête. Le Haut Conseil à l’égalité hommes-femmes est né le 8 janvier. Il s’agit de « créer des consensus autour d’une expertise renforcée », explique une ministre. Il y aura une « synergie de moyens » entre les organismes jusqu’alors chargés du dossier, qui seront « redéployés ». Le citoyen, et surtout la citoyenne, attend la suite : on imagine qu’il faudra « définir les critères », « choisir les indicateurs », « mettre en place le dispositif ». Quid des « démarches d’autoévaluation », des « tableaux de bords », des « bonnes pratiques », de la « création de valeur » ?
Il y a du boulot. En France, les écarts de salaire entre hommes et femmes sont particulièrement élevés, et où les femmes n’accèdent que rarement aux postes à responsabilité. Le Global gender gap établi tous les ans par le Forum économique mondial est sans appel : en 2012, la France se classe au 57e rang – au même niveau qu’un pays qui n’est pas connu pour son féminisme, la Russie. Cette dernière a ses Pussy Riot, à quand les Frenchy Riot ?

2 janvier 2013

No Catho

L'année 2012 a été l'année catho. On les croyait transis, balayés par l'union libre et le pacs, rencognés dans des églises en ruines, point du tout, ils tiennent la forme, ils ont la trique. Ils sont partis en croisade contre le mariage homosexuel, un dispositif qui, pourtant, ne les concerne en rien et ne leur retire rien. Les 14 pays ayant déjà donné un cadre légal au "mariage pour tous" se portent très bien, et "l'ordre symbolique" ne s'en est pas trouvé ébranlé pour si peu.
Les cathos sont aussi présents sur le champ éditorial. Avec "Le sermon sur la chute de Rome", prix Goncourt de l'année, Jérôme Ferrari invente un nouveau genre. On connaissait déjà le roman homo, le roman sado-maso, à présent voilà le roman catho. Emphase, sermon, pathos, ce livre s'édifie en prédication pour s'effondrer en prêche. Chaque titre de chapitre provient des sermons d'Augustin, une petite odeur de sacristie plane. Et, je l'avoue, je n'ai pas vu le rapport entre la vie du saint et l'ouverture d'un bar en Corse ; les deux propos de l'ouvrage, non contents d'être cousus de fil blancs, sont mal goupillonnés.
Personnages inconsistants, phrases trop longues, platitudes convenues - que veut dire l'auteur ? A quoi tout cela rime-t-il ? Pour ceux qui n'ont pas compris, voilà le message, maintes fois martelé : "Mais nous savons ceci : pour qu'un monde nouveau surgisse, il faut d'abord que meure un monde ancien". Très fort. En résumé, tout passe, tout lasse (sauf les glaces, ajoutait une réclame des années 1970). Hélas, la mauvaise littérature lasse aussi. Car ce roman flirte quand même d'un peu près avec le kitch : «Il croyait à l’éternité des choses éternelles, à leur noblesse inaltérable, inscrite au fronton d’un ciel haut et pur. Et il cessa d’y croire», «Il était comme un homme qui vient de faire fortune, après des efforts inouïs, dans une monnaie qui n’a plus cours». Le plus beau : "Une expression juvénile éclairait encore le visage de l'homme qu'il était devenu là-bas, dans ces contrées inimaginables où l'écume de la mer était translucide et luisait sous le soleil comme une gerbe de diamants". C'est du lourd. On est tellement lesté qu'on touche le fond.
"Rien ne s'épuise plus vite que l'improbable miséricorde de Dieu", nous assène Jérôme Ferrari (amen). Si : la bienveillance du lecteur.