28 mai 2011

DSK dans le chaudron de Freud

La DSK mania, qui traumatise et fascine la France entière, s’est un peu calmée. Donner son grain de sel sur les nouvelles, c’est bien, mais loin de moi l’idée de vouloir « décrypter l’actu » comme on dit vulgairement. Je préfère commenter les commentaires, qui eux-mêmes commentent les commentaires, etc. Ce qui m’étonne le plus dans le fond ce qui a été dit et écrit sur l’histoire DSK, c’est que certains (y compris des psys) s’étonnent qu’on puisse désirer autre chose que ce qu’on veut. Et, dans la forme, il est à remarquer que trois arguments ont été brandis dans les médias pour défendre DSK :
1) Il est innocent ;
2) Ce qui est arrivé n’a pas d’importance, « il n’y a pas mort d’homme », ce n’est qu’un « troussage de domestique » ;
3) Tout cela est la faute de la justice américaine, notoirement anti-française et aveuglée par une vague d’égalitarisme et de féminisme.
On le voit, les différents énoncés sont contradictoires. De la même manière que l’argumentation développée dans l’histoire du chaudron rapportée par Freud. La voici ; un homme emprunte un chaudron à un ami. Quand il le lui rend, l'ami se plaint que le chaudron est percé. Alors, pour se défendre, notre homme déclare : « Je ne t'ai jamais emprunté ton chaudron, et puis je te l'ai rendu en bon état, et d'ailleurs il était déjà percé. » Tout ça pour dire : quel chaudron, déjà ? Je ne suis pas responsable, je n’y suis pour rien.

Ce sont des procédés qui cachent, en fait, un aveu. Les amis français de DSK, sous couvert de vouloir le défendre, auraient-ils avoué leur désir de couler un homme si puissant, un si brillant rival ?

19 mai 2011

DSK : le festival de Kahn

DSK a dit « tchao » à la France, sans grande élégance mais de manière radicale. Ce qui est amusant dans cette histoire qui alimente toutes les conversations, c’est qu’il y a toute une gamme de réactions, la palette est large et va de la rigolade jusqu’à l’indignation. Et l’attitude de votre interlocuteur est très révélatrice de sa personnalité : plus fort que le test de Rorschach. A quelle catégorie appartenez-vous ?
Parano : « C’est un coup monté. Ce sont certainement les Chinois qui sont derrière tout ça. Ou Sarkozy. »
Franchouille : « Mettre les menottes à ce type comme s’il était un vulgaire délinquant… Quels pourris, ces Américains… Ils détestent la France, c’est clair. »
Grivois tendance macho : « Une jolie soubrette, hé hé hé… Ce DSK, on dira ce qu’on veut, mais il sait vivre. »
Féministe : « Les hommes qui se croient tout permis, ça suffit. »
PS : « Il est innocent, la preuve, c’est mon ami. »
Juridique : « Quels sont les chefs d’accusation, déjà ? Je crois qu’il a de bons avocats. Attendons le procès pour en parler sereinement. »
Réactionnaire : « Sous de Gaulle, un tel scandale aurait été impensable. »
Belge : « Chez nous, ça n’arriverait pas, Elio Di Rupo n’aime pas les femmes. »
Psy : « Un cas intéressant de déclenchement psychotique accompagné d’un passage à l’acte. »
Gauche de la gauche : « C’est une bonne chose, ça fout dans la merde le FMI, qui a ruiné tant de pays en menant une politique anti-sociale. »
Outré : Et la victime ? Personne n’en parle ! »
Romanesque : « Ce bras de fer entre une femme jeune, noire et pauvre, et un vieux blanc riche et célèbre, quel suspens ! Qui va gagner ? Plus fort que la télé-réalité ! »
Inspiré : « DSK, c’est Booz ! Mais si sa gerbe ne fût pas avare, elle fût haineuse…»
Libérale : « DSK a fait la preuve de sa valeur à la tête d’une institution prestigieuse. Mais les hommes passent, les organisations restent. »
Blasé : « Tout le monde sait que ce mec est un malade du cul. »
Touriste : « Vous, les Français, vous êtes vraiment incroyables. »
Voilà, grâce à DSK vous en savez davantage sur vous-même.
Et n’oubliez pas, rendez-vous samedi 21 mai à Bruxelles pour la 3e édition de la Fête des Non-Parents, organisée par Frédérique Longrée et Théophile de Giraud. C’est au bistrot la Goutte, 135 avenue de l’Hippodrome, 1050 Bruxelles, dès 20 heures. Site : http://nonparents.skynetblogs.be/

15 mai 2011

La tontonmanie, ça suffit

Le trentième anniversaire du 10 mai 1981 nous submerge de colloques, d’articles, de livres, d’émissions télé consacrés à François Mitterrand. Il en pleut de partout, moi j’ai enfilé mon ciré, gare aux éclaboussures. Je suis étonnée de ce qu’on puisse, au premier degré, « saluer la mémoire de cet homme ». C’est quand même le type qui a capté l'héritage socialiste à des fins impénétrables (les siennes), mais certainement pas sociales. Copinage, filouteries et mensonges, telles furent les couleurs des années Tonton. Avec la complicité de son entourage et des médias, il a fait avaler aux Français toutes les couleuvres de sa vie. Le rusé s’est arrangé pour les distiller en loucedé et a soigneusement orchestré leur mise à jour : son passé d'extrême droite, Bousquet, les scandales de l'Élysée, sa seconde vie de couple, sa fille « adultérine », son cancer. Défi à la servilité ? Mépris souverain du peuple et des autres ?
Comme l’écrit si bien Jean Baudrillard, il reste de Mitterrand le sarcasme, la manipulation figée du Commandeur, l'ironie obscure et dominatrice de celui qui tient la place du mort. Ce que le masque figé et le pâle sourire incertain exprimaient déjà, de même que sa fameuse phrase flirtant avec le kitch, « je crois aux forces de l’esprit ». Reste de lui la conviction, bien ancrée en certains d’entre nous, que rien ne peut changer – ça fait pas mal d’années que je ne vais plus voter. Une vérité amère qui condamne une gauche durablement dévitalisée par les métastases mitterrandiennes à perdre les élections présidentielles. Quoique… L’année 2012 sera l’année du dragon, et, si l’on en croit le site asiaflash.com, une année favorable aux initiatives les plus insensées et aux réussites les plus folles. Il faudra au moins ça pour conjurer les mauvaises ondes de celui qui se fiche de nous là-haut. Vade retro miterrandas !

Lire : Jean Baudrillard, « L’ombre du Commandeur », Libération, 5 février 1996.

5 mai 2011

Invisible Ben Laden

Alors, et cette photo de Ben Laden mort, c’est pour quand ? Voilà le trophée que le monde entier attend. La preuve, quand on tape « photo Ben Laden » sur google, on trouve près de douze millions de références… On risque d’attendre en vain, car le président américain Obama a déclaré : « A cause des risques de représailles, pas de photos, elles sont atroces. » Non, pas possible ?! La CIA aurait dû y penser avant de lui faire exploser la cervelle : la communication c’est important. Un mort célèbre doit être présentable. Le camarade Che Guevara, lui, a su garder sa dignité jusque dans la mort.
Un cadavre jeté à la mer, des photos gardées secrètes : Ben Laden mort restera donc invisible, à l’image de sa vie. Depuis des années il vivait sous le radar, sous tous les radars, pas de téléphone, pas d’Internet. Un homme d’autant plus dangereux qu’il était caché, qu’il échappait à tout repérage, à toute coordonnée. De même que son organisation, Al-Qaïda, cette nébuleuse aux contours flous, dont tout le monde craint aujourd’hui la vengeance. Invisible, c’est vraiment le mot, le fin mot du destin de Ben Laden. Et c’est par là, peut-être, qu’il a piégé les Américains, qui lui ont offert ce qu’il voulait : être aussi invisible mort que vivant. « Invisible j’ai été, invisible je resterai. Donc, je ne suis pas vraiment mort, puisque je n’étais pas vraiment vivant non plus. Je serai aussi dangereux mort que vivant. »

Plus gai : lire le feuilleton littéraire que tout Paris s’arrache, "L'affaire Hem", sur le site Internet de référence : touchalon.free.fr.