28 décembre 2011

"A dangerous method", un involontaire peplum de l'inconscient



Voilà un film qui mérite sans aucun doute l’Oscar du navet de l’année. Bavard, conventionnel et pauvre, « A dangerous method » offre un festival de stéréotypes sur la psychanalyse, les hommes, les femmes, le début du XXe siècle, Vienne, etc. L’actrice principale, Keira Knightley, dont le jeu se limite à deux expressions (l’admiration énamourée et la crise d’hystérie), est à deux doigts de nous faire rire tant elle grimace.
Consacré au trio Freud-Jung-Sabina Spielrein, ce pensum peut être découpé en trois parties. Au premier tiers, on se dit que le metteur en scène n’a rien compris à la psychanalyse ; au second tiers, qu’il ne comprend rien à l’Europe ; et au troisième, qu’il ne comprend rien au cinéma, ce qui est nettement plus gênant pour le spectateur. On savait déjà que Cronenberg avait beaucoup baissé depuis « La Mouche » ou « Crash » ; mais avec « A dangerous method », il est difficile de tomber plus bas, et surtout plus plat.
« Cro » enfile soigneusement les perles kitsch du film d’époque ; les femmes sont bien habillées, les serviteurs discrets, les façades en pierre de taille, les parcs bien entretenus. Et surtout, surtout, le lac suisse est beau. C’est lui le vrai personnage principal du film. Le ministère de la Culture helvétique aurait-il participé au budget ? En tout cas, le lac est omniprésent ; il est immuablement bleu et sert de décor d’Epinal à une laborieuse succession de saynètes figées et de conversations lourdingues. Que d’eau, que d’eau, on frôle l’overdose. Tant qu’à faire, dommage que Cronenberg n’aie pas été jusqu’au bout de sa logique touristique : il manque au film la fondue suisse, le fermier d’alpage qui yodel et, surtout, les vaches violettes….

9 décembre 2011

L'euro sur la rue roule ; l'euro sous la roue reste*


L’Europe est-elle à l’agonie ? Un refuznik soviétique disait jadis qu’on reconnaît un régime qui sombre à son déferlement de langue de bois. Dans ce domaine, nous les Européens, on est à la fête. Ces derniers temps, les éditoriaux de la plupart des journaux se surpassent en jargon. J’en ouvre un au hasard, je tombe sur ces phrases inénarrables : « Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain, et désigner à la vindicte populaire une Europe caricaturée. » En traduction, cela donne : « l’Europe, seuls ceux qui n’y comprennent rien trouvent que c’est caca ». Le plumitif, qui n’a pas froid aux yeux, continue en enfilant des perles : « Le populisme de gauche n’est ni moins vulgaire ni moins dangereux que le populisme dominant, de droite, qui fait des ravages dans d’autres pays de l’Union Européenne, et qui s’alimente pour partie de simplismes anti-européens ». Magnifique : vous rêvez d’un autre monde ? Eh bien, vous avez tort, et ce tort tue l’euro. Vous êtes aussi demeuré et pleutre que ces salauds de fachos.

On retient son souffle, l’article continue. La phrase définitive qui suit mérite qu’on la médite : « L’Europe est un grand projet politique, qui se trouve être notre seule planche de salut ». Le comité central n’aurait pas mieux enfoncé le clou. Pourquoi le dire et le redire, si c’est si évident ? Et l’article se termine en apothéose : « Plutôt que de la dénigrer, mettons toute l’énergie possible à améliorer l’Europe et à la démocratiser. » Voilà lecteur, c’est toi qu’on attend pour sauver l’euro, engage-toi et rengage-toi. Tu n’as pas ratifié le pacte de stabilité ? Groß erreur ! Et en plus tu as voté « non » en 2005 ! Mais alors, c’est ta faute, tout ce bordel ! Police, arrêtez cet homme ! Il a douté au fond de son cœur ! Il n’a pas signé ! Il est coupable !

*Fait partie des phrases impossibles à prononcer, de même que « seize jacinthes sèchent dans seize sachets secs ».

2 décembre 2011

Le sexe de la langue


J’avoue que je ne comprends pas tout à la politique belge, c’est si compliqué qu’il faudrait créer un troisième cycle de « politique belge » à sciences-po Paris. Les Belges eux-mêmes ne comprennent pas tout. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il y a du neuf « Outre-Quiévrain », bientôt un gouvernement ! Les agences de notation y sont pour quelque chose, elles qui ont retiré à la Belgique un de ses A pour cause d’endettement mais aussi de vacances gouvernementales depuis plus de 500 jours.

Des débats byzantins émergent sur une question que jamais aucun politologue français ne s’est posée : le futur Premier ministre, Elio di Rupo, sera-t-il « asexué linguistiquement » ? Je vous explique. La constitution belge exige que le gouvernement fédéral soit ou bien composé de 14 ministres (dont le Premier ministre) avec autant de ministres francophones (7) que de ministres flamands (7), ou bien de 15 ministres, à savoir toujours 7 francophones -7 flamands, auxquels s’ajoute le Premier ministre qui doit alors être « linguistiquement asexué ». Cela signifie qu’il doit renoncer à défendre les intérêts de sa propre communauté pour défendre les intérêts de son pays. Vous avez suivi ?

Quand même, poser la question du sexe de la langue ne manque pas de sel. « Et toi, ta langue, elle est quoi ? Française, espagnole ? De droite, de gauche ? Homme, femme ? ». Moi aujourd’hui, ma langue est espagnole, car je vais lire « El Pais » dans le Thalys (en plus, ça rime). Elle est de droite, car non, je n’ouvrirai pas ma bourse pour le SDF qui mendie dans le métro. Et pour le reste, décidément dans le train je ne serai ni homme ni femme, mais pas asexuée pour autant ; au douanier qui m’interrogera, je me déclarerai « transgenre ». Echapper aux catégories, ça doit être le pied : vive l’évasion sexuelle !