3 septembre 2013

Le feu au lac

Et si la révolution venait de Suisse ? Là bas, l'idée d'un revenu de base d'environ 2000 euros par mois (ce qui correspond à la moitié d'un revenu minimum pour nos voisins alpins) va faire l'objet d'un référendum au niveau fédéral. Si acceptée par les électeurs, cette allocation sera inconditionnelle et remplacera diverses aides sociales actuelles. Yodlons tous en choeur, c'est sur les montagnes que souffle l'esprit de l'utopiste Fourier. Un magnifique espace d'expérimentation sociale s'ouvre. Voilà qui mettra peut-être fin aux "jobs à la con", ces boulots tertiaires vides de sens qui consistent à envoyer des emails, en recevoir, faire semblant de bosser et rédiger des mémos en jargon. Mon livre "Bonjour Paresse" en livrait toutes les clés il y a près de dix ans, voilà qu'aujourd'hui un anthropologue anglais remet le couvert et découvre l'eau tiède.
Se révolter ? Faire grève ? Oh que non, à quoi bon. Mieux vaut émigrer en Suisse et attendre que l'utopie tombe des urnes. Je suis prête, mes valoches sont bouclées. Tchao la France et Bonjour Paresse !

3 août 2013

Si Bruxelles m'était conté


Qu’est-ce qui fait chanter les Blondes ? Qu’est-ce qui fait changer Bruxelles ? Notre correspondant Outre-Quiévrain, c’est-à-dire moi, est allée sur le terrain afin d’alimenter le débat de façon constructive, sans polémiques inutiles. Pour le plus grand plaisir du lecteur, mon billet est rédigé intégralement en langue de bois journalistique. Un décryptage sans concession, au risque de me faire tacler par ma hiérarchie.
Depuis l’accession au Trône du nouveau souverain Philippe, le 21 juillet dernier, Bruxelles, capitale du petit pays, n’est plus la même. Un précieux sésame permet à cette cité de jouer dans la cour des grands : qu’on se le dise, Bruxelles se contente plus d’être une destination culturelle, elle accède au statut de lieu emblématique. Une métamorphose salutaire et jubilatoire. En effet, les querelles dysfonctionnelles entre Flamands et Wallons (et vice versa), teintées de dérives populistes, se voient mises entre parenthèses. A la faveur des températures hors normes qui règnent sur la capitale de l’Europe (le mercure a bondi), celle-ci célèbre le mariage entre tradition et modernité, entre belgitude et mondialisation. Une occasion pour ses habitants de se réapproprier leur cité. Pourtant, une ombre au tableau gâche la fête : le vivre ensemble et le lien social sont fragiles. Des Belges, le roi éponyme réussira-t-il à conquérir le cœur ?
Un suspense insoutenable. Mais laissons de côté le jargon. Et célébrons la nomination de l’inénarrable et merveilleux Théophile de Giraud (auteur du célèbre pamphlet anti-nataliste L’Art de guillotiner les procréateurs) comme « Childfree man of the year ». Nous applaudissons à cette Légion d’Honneur du non-procréateur, qui honore le plat pays tout entier !

3 juillet 2013

Des pigeons contre la NSA

En Amérique on trouve de tout, la statue de la liberté, la bannière étoilée, la NASA, le SETI, Disneyworld. Et puis, la page Wikipedia des inventions américaines est un inventaire à la Prévert de plein de choses formidablement utiles : le chewing gum,  les corn flakes, le paratonnerre…. Et les whistleblowers, ces gens qui révèlent au public des dysfonctionnements ou des mauvaises pratiques qui nous concernent tous.
Le problème c’est que, régulièrement, l'Amérique déconne, et beaucoup plus sévèrement que les autres. Ces gens sont excessifs ! Pensez donc au Ku Klux Klan, au Mc Cartysme, à l’invasion de l’Irak sous prétexte d’armes de destruction massive, aux OGM...
Aujourd’hui, avec Assange, Manning, et maintenant Snowden, nous sommes entrés, malgré la sympathie que peut inspirer Barak Obama, dans une de ces grandes ères de déconnage. Snowden : comment l’aider ? Où ce garçon, véritable héros du XXIe siècle, va-t-il passer le reste de ses jours : à Cheremetievo ou  Guantanamo ? On peut certes manifester sa sympathie sur sa page Facebook, c’est cool, et puis ça va directement dans les serveurs de la NSA ou du FBI, et ça les occupe un moment.
Que faire d’autre ?
Oublions toutes ces passoires que nous utilisons tous les jours pour tchater avec les potes, montrer nos photos de vacances au beau-frère ou causer dans le poste avec la mémé à qui on a péniblement appris à utiliser Skype. Il existe des alternatives.
Tous les outils sont là :


Car la NSA a horreur des communications qui passent par TOR, par PGP. Pourquoi ? Parce que les américains pensent que seuls ceux qui ont quelque chose à se reprocher se cachent. Si nous utilisons tous ces programmes, nous pouvons peut-être retarder un peu ces systèmes de surveillance en les saturant. Evidemment, ça demande de changer ses habitudes, mais essayons avant qu’il ne soit trop tard.
Et moi, comme j’ai la chance de vivre en Belgique, un pays colombophile, je me renseigne sur les pigeons voyageurs – sans GPS ni bague.

Merci à Yves, taupe infiltrée, pour ces infos et son aide précieuse.

27 juin 2013

En différé du Front

Vous, ça va ? Moi, pas trop. Ce doit être la météo ("en berne", pour adopter le jargon journalistique). Heureusement, un livre récent nous apprend à nous soigner. Le corps a paraît-il une capacité incroyable à se guérir tout seul ; c’est la résilience à la portée de tous. Quelques conseils simples : déféquer accroupi (cela dégage les sphincters), rouler des pelles (un merveilleux anti-stress) et boire du jus de cerise pour vaincre l’insomnie. Et pour digérer les nouvelles mi-figue mi-raisin, qu’est-ce qu’on fait, docteur ?
Car l'"actu", même "décryptée" par des experts, a une mine blafarde. L’élection législative partielle de Villeneuve-sur-Lot a vu s’affronter un apparatchik UMP cumulard, Jean-Louis Costes (déjà maire de Fumel, conseiller général, président de la communauté de communes et fonctionnaire territorial), et un candidat Front National, Etienne Bousquet-Cassagne. Youpi dans les tipis, l’hydre fasciste a été vaincue (de peu). Mais la vraie question, c'est : comment les électeurs ont-ils pu aller voter ? Il était difficile de se lever pour Danette, se mobiliser pour de telles bouffonneries risque de s'avérer impossible. Comme l'écrit Slavoj Zizek dans son ouvrage Violence : "Mieux vaut ne rien faire que de s'engager dans des actes isolés dont la fonction suprême est de huiler davantage les rouages du système".

Bonus : le détail amusant, c’est que l’homme politique Jean-Louis Costes a un homonyme, l’artiste trash Jean-Louis Costes. Qui chante : "Où sont partis les nazis ?". Bonne question, où sont-ils partis ?

17 juin 2013

Faut que je me tire ailleurs

Nos jeunes n'aiment plus le pays qui leur donné l'égalité, la fraternité, et bien d'autres choses encore. 27 % de jeunes diplômés estiment que leur avenir professionnel se situe hors de France contre 13 % il y a un an (sondage du cabinet Deloitte). Et 50 % des 18-24 ans aimeraient quitter la France pour vivre dans un autre pays (sondage ViaVoice) ! La France serait-elle ainsi en passe de devenir un pays d’émigration ? Les médias découvrent le phénomène à la manière dont une poule trouve un couteau. Que dire de cette « évolution sociétale » qu’ils n’ont pas vu venir ? Est-ce une « tendance forte » ? S’agit-il d’une « dynamique positive », ou d’une « dérive » ? Combien de jeunes réussiront à se procurer le « précieux sésame » leur ouvrant la frontière d’un autre pays ?
Ils veulent mettre les voiles, bande d'ingrats ! A quoi servent les emplois de non-avenir créés exprès pour eux par François Hollande ? Et les leçons de morale bassinées sur le thème « la France est un beau pays », « on n’est pas mieux ailleurs », « chez nous la laïcité est une valeur » ?
Partir, oui partir. Même Michel Sardou le dit. « Si j’avais 25 ans, je quitterais probablement la France », affirme l’ex-chanteur patriote dans une interview. Oui, vous vous souvenez, c’est celui qui chantait dans les années 1970 « Ne m’appelez plus jamais France » - en référence au bateau, pas au pays. Michel Sardou envisagerait-il un tube sur l’émigration des Français ? Je me charge du texte. Qui a dit qu’en France, tout se termine par une chanson ?

6 juin 2013

Quand est-ce qu'on se couche ?


On annonce un été pourri. Que faire ? Rester coucher ? Attention, le sexe c’est dangereux. La pratique régulière du cunilingus serait « à haut risque » comme s’expriment les journalistes. On apprend grâce à Michael Douglas qu’il existe un lien de cause à effet entre certaines pratiques orales et le cancer de la gorge. Sucer tue ? Est-ce l’abus du 69 qui expliquerait l’état de santé dégradé de celui qui incarna jadis l’impitoyable trader de Wall Street, Gordon Gekko ? Motus et bouche cousue. On retiendra seulement que la langue de l’acteur a fourché lors d’une interview, et à présent il en bave.
Les langues bien pendues en font des gorges chaudes. Prudence quand même. Pour filer au plumard, mieux vaut attendre le « lybrido », ce Viagra pour les femmes. La pilule de l’orgasme garanti sur facture n’est pas encore au point, mais pourrait être commercialisée en 2016. Certains frileux, pourtant, traînent des pieds. Interviewé par le New York Times, le Dr Andrew Goldstein, qui participe aux tests, affirme que plusieurs confrères craignent de voir les femmes transformées en nymphomanes. « Plusieurs  consultants de l'industrie pharmaceutique m'ont  dit que les sociétés craignaient que les résultats de leur étude soient trop forts et que la FDA (Food and Drug Administration) ne rejette leur produit.  Elle pourrait estimer que la substance risque de conduire à des excès sexuels, des adultères en pagaille, et à une fracture sociale ». Qu’allons-nous devenir si la famille, ce n’était plus « un papa et une maman », comme le clament les cathos à serre-tête, mais « un papa et une salope » ?
Oui, qu’arriverait-il si, enfin, on pouvait (une heure, une heure seulement) répondre à la question laissée ouverte par Freud – « que veut la femme ? » Comme ce serait angoissant pour nos amis les hommes ! Quoi, transformer de sages mères de famille en nymphomanes prêtes à faire exploser la cellule familiale ! Et à mettre à bas la société toute entière ! Je veux m’éclater, sinon je pète tout ! Vous imaginez le risque ! Si c’est de la dynamite, ce truc, pourquoi on en balancerait pas des cargaisons au-dessus de la Syrie ? Pan dans les dents ! Le dicton du jour : lybrido aux fourneaux, Assad au culbuto.

27 mai 2013

Célibataires de tous les pays, unissons-nous.

Des dizaines de milliers de personnes étaient dans la rue hier à Paris pour s’opposer au « mariage pour tous ». Vu de l’étranger, on s’étonne un peu (« on savait que la France était un pays vieillot, mais là quand même… »). Au nom de « l’institution immémoriale du mariage », et de « l’ordre symbolique », les manifestants venus de la cathosphère dénoncent le mariage homo comme une mascarade.
En réalité, c’est le mariage qui en est une. Moi, je ne me suis jamais mariée, et je m'en porte très bien. Je propose d’instaurer urbi et orbi le mariage pour personne. A quoi sert le mariage civil, à l’heure où plus de la moitié des enfants naissent hors mariage ? Il ne sert, en fait, qu’à transmettre les inégalités d’une génération à l’autre. Qu’à servir de cadre à l’exploitation de la femme par l’homme. Et qu’à diminuer les frais de succession. Sacro-sainte propriété privée !
Que les antis continuent de se battre pour leur vieux gâteau rance : ils ne lâcheront rien ? Moi, je lâche ce cri : « vive l’abolition du mariage ».

16 mai 2013

A l'Intello Academy, the winner is...

Ça bouge. Tant mieux, on se faisait chier. Les Indignés, Les Occupy Wall Street, Wikileaks, les Anonymous, les Femens… J’essaie de comprendre. A la bibli, je prends par hasard le livre « Où est passée la critique sociale ? » de Philippe Corcuff (paru en 2012 aux éditions la Découverte), en apparence consacré au sujet. Mauvaise pioche. Je le feuillette, je suis d'emblée rebutée par le style universitaire. Jusqu’au moment où je tombe sur un passage qui aurait sans aucun doute inspiré Molière. C’est un commentaire d’une chanson de Michel Jonasz, rédigé par la plume lourdingue d’un type jargonnant qui joue au jeu de Kikalairplusintelligent. Cela vaut son pesant de boudin. Voici la page 44, le lecteur savourera :

 « Dans les vacances au bord de la mer, l’expérience de l’inégalité sociale, les contraintes et les incapacités sont thématisées à la manière d’une sociologie critique, mais selon un autre jeux de langage :
 
On allait au bord de la mer/Avec mon père, ma sœur, ma mère/On regardait les autres gens/Comme il dépensait leur argent/Nous il fallait faire attention/ Quand on avait payé le prix d’une location/Il ne nous restait plus grand-chose.

Cela donne une tonalité mélancolique au texte, parfois au bord du ressentiment. Le spectacle désenchanté du poids de la domination n’appartient pas seulement aux discours en surplomb de type situationniste ou postsituationniste, il peut participer du rapport ordinaire à la domination :

Alors on regardait les bateaux/On suçait des glaces à l’eau/ Les palaces, les restaurants/On faisait que passer devant.

Pourtant, ce poids des incapacités ne tend pas à occuper tout l’espace, contrairement aux tentations dominocentrées. Tout d’abord parce qu’il peut être mis en paroles critiques. Mais aussi parce que l’expérience apparaît dotée d’ambivalences. Il y a des petits bonheurs qui restent nostalgiquement gravés, un peu à l’écart de l’épreuve du manque, et pour lesquels la déploration misérabiliste de l’aliénation généralisée exprime souvent un mépris implicite… »

 Cela continue ensuite, la page 45 est de la même eau. Heureusement, certains écrivent des chansons et pas des essais lourdingues. Et si on allait plutôt voir les bateaux ?

22 avril 2013

Regarde les hommes partir

La France s’affole, les riches partent. Le nombre d’exilés fiscaux aurait été multiplié par cinq depuis juillet dernier. Un chiffre de 5000 départs que le ministère de Budget ne confirme pas. Les Belges, eux, s’inquiètent d’une autre émigration, très différente, celle des jeunes Belges partis combattre en Syrie aux côtés des rebelles. La presse s’affole : ils seraient déjà 200 volontaires à avoir rallié les forces anti-Assad ! Les organisations musulmanes condamnent. La situation est grave car la guerre, c’est contagieux. Comment fera-t-on pour « recycler » les combattants quand ils rentreront au bercail ? Comment les réhabituer à prendre le tram, manger de l’américain-frites, à supporter la « drache » (pluie) 300 jours par an en moyenne ? Les pouvoirs publics songent à édicter un arrêté royal interdisant aux ressortissants belges de se battre en Syrie. Voilà une bonne idée ! Cessez de vous faire la belle, le gouvernement-qui-veut-votre-bien vous l’interdit.
Reviendez, reviendez ! Le braqueur Redoine Faïd, auteur d’une spectaculaire évasion de la prison de Sequedin (Lille) la semaine dernière, entendra-t-il lui aussi le message ? Mais où est-il ? Par monts et par vaux ? Méditons le mot d’Alexandre Dumas : « Cette route de l'exil, dont le chemin est si large pour ceux qui partent, si étroit pour ceux qui reviennent ».

4 avril 2013

Merde in France

Les Français ont 20% de chance en moins d'être heureux, affirme une chercheuse, Claudia Selnik. Ses recherches portent sur « l’économie du bonheur ». On a tendance à pouffer de rire ; quand l'économie du malheur sera-t-elle étudiée et scrutée ? Et celle de l'ennui ? Selon cette chercheuse, il y a une dimension culturelle du bonheur (on s'en doutait un peu, vu que le terme est aussi glissant qu'une anguille..). Et les Français, structurellement, seraient malheureux. Ils sont les manchots du bonheur, pas de bras pas de chocolat.
A force de mesures statistiques forcément très savantes, Selnik a mis en évidence l’existence d’une mélancolie française, d’une inaptitude des Français à se dire aussi heureux qu’ils le devraient. « Le malheur français, c'est quelque chose qu'on emporte avec soi », affirme-t-elle. Même quand on quitte son pays. Nous sommes maudits, la merde française nous collerait-elle aux semelles ?
Moi, je me sens très bien. C’est parce que je viens de voir à la télé Kalki Koechlin, une actrice née à Pondichéry de parents français : c'est la nouvelle star de Bollywood (oui, ces films indiens super-guimauves à côté desquels les westerns spaghettis ressemblent à du Sophocle). Kalki parle français avec un accent étonnant et elle est radieuse. C'est une Marianne d’un nouveau style à elle toute seule. Je vote Kalki.
Elle est plus convaincante que Véronique Genest, comédienne devenue d’un coup de baguette cathodique la suppléante d’un candidat à l’élection législative partielle dans la 8e circonscription des Français de l’étranger. Celle qui s’est pris les pieds dans le tapis avec un lapsus (« je suis un étron libre ») qui fait rire tout le monde ferait mieux de rester chez elle. Electron, étron… la voilà marron.

22 mars 2013

Familles, je vous hais


Les enfantophiles n’en mènent pas large. Les prestations familiales sont dans le collimateur du gouvernement. Il était temps d’y songer. Il faut vraiment que les caisses de l’Etat soit vides : on s’aperçoit (enfin !) que les montants abyssaux consacrés à encourager la natalité sont totalement déraisonnables. La politique familiale française, unique au monde, coûte environ 5% du PIB français, soit près de 100 milliards d’euros par an. Prestations familiales, aides au logement, fiscalité… Un délire nataliste que n’aurait pas renié le bon Maréchal.
Avec ces sommes, il serait plus intelligent de régler le problème de la dette, de sortir du nucléaire, de résoudre la question de la pauvreté… Au choix. Justement, le choix, le contribuable ne l’a jamais eu, vu qu’il n’y a jamais eu de débat. Tabou. « Avoir des enfants, c’est bien, et rien n’est plus beau qu’un sourire d’enfant », écrivait il n’y a pas si longtemps l’un des grands Timoniers du Nouvel Obs. Une phrase forte que n’aurait pas renié Le Figaro.
Perso, si j’habitais en France, j’entrerais en désobéissance civile. Pas question que l’argent de mes impôts servent à fabriquer de nouveaux Français, destinés de devenir de nouveaux chômeurs. Qu’on y pense… Plus d’enfants, c’est plus de monde dans les trains le 1er août, plus de queue à Pôle Emploi, plus de crottes de chien dans votre rue. C’est plus de pollution, toujours plus de zones péri-urbaines hideuses, de lignes électriques, d’antennes relais, d’échangeurs autoroutiers. C’est aussi moins d’espaces naturels, moins d’espace tout court.
De mon point de vue, la France est bien assez peuplée. Et si certains veulent des gosses, qu’ils se les paient. A bon enfanteur, salut.

17 mars 2013

On fait la fête aux châteaux

Le nucléaire, c’est dangereux. Ça tue. Et ça empoisonne l'environnement pour des centaines de milliers d'années. On s’en doutait un peu, mais en France, pays nucléophile par excellence, ça mérite d’être dit et redit. Non seulement c’est dangereux, mais c’est cher. Prenons l'hypothèse d'un accident nucléaire. Le coût : 430 milliards d'euros par réacteur explosé, selon un rapport de l'IRSN. D’après un article du journal Monde daté du 10 mars, le gouvernement pourrait alors être contraint… de vendre le château de Versailles pour dédommager les victimes. Oui, vous avez bien lu. Payer en châteaux, quand même, c’est royal.
Admirons l’égalité : un réacteur = un château. L’homme aux rats de Freud, ce névrosé bien connu, comptait en rats ; le bureaucrate formaté par l’histoire de France, lui, compte en châteaux. Pour les gros postes budgétaires, compter en kilo-châteaux.
Petit exercice pratique. La centrale de Cattenom, c’est 4 réacteurs nucléaires à elle toute seule. Alors en châteaux, ça fait… Amboise + Chambord + Blois + Chinon, ça suffira-t-il pour payer la douloureuse ? Mais où sont les bureaux de change ?
« Le pape de Rome, c’est combien de divisions ? » demandait ironiquement Staline. La France, c’est combien de châteaux ? Et mon cul, combien de poulets ?

11 mars 2013

Les vaches violettes meuglent "moins, moins"

La Suisse, pays des coucous, remet les pendules à l’heure. Ses habitants viennent de plébisciter l'octroi aux actionnaires d'un droit de veto sur le montant des salaires des patrons. C’est un véritable tsunami sur le lac de Genève. A l’origine de ce référendum d’initiative populaire anti-pognon fou, un chef d’entreprise indigné, Thomas Minder. Minder… Curieux, cela veut dire moins en allemand. Moins, toujours moins ! Voilà la logique des mots qui triomphe.

25 février 2013

J'ai bouffé du cheval

Vive les duos. Qui ne connaît Dolce - Gabanna ? Et le duo de plume Fruttero - Lucentini, ces auteurs de polars italiens bien ficelés ? Et Albano - Romina Power, qui ont escaladé jadis les hit-parades avec le tube « Felicità » ? La France aussi tient à présent son couple de choc : il s’appelle Spanghero - Castel. Le premier s’illustre dans les lasagnes au canasson, le second dans la viande pourrie. Ce rata pas ragoûtant est mis et remis dans le circuit pour le meilleur bénéfice des intermédiaires alimentaires. Aux yeux de certains, ni l’argent ni la viande n’ont d’odeur. Il faut bien de petits arrangements avec la qualité, car un Occidental mange en moyenne l'équivalent de 21 000 animaux entiers durant son existence ; on se doute bien que ce n’est pas toujours du premier choix. Le droit démocratique de manger de la merde doit donc être défendu bec et ongles (de même que le droit de coucher avec des connards, comme le montre une actu récente qui sent le slip sale).
Mais revenons à nos moutons - chevaux. Tout le déballage actuel sur les dessous pas nets de l’industrie de la bidoche a permis de mettre en circulation un nouveau terme : le « minerai de viande ». C’est une ragougnasse agglomérée d’où proviennent les lasagnes, hachis, chili con carne, moussakas et autres steaks hachés industriels. Ami gastronome, bonjour. On imagine de nouveaux dialogues en prise avec l’actualité : « Ma puce, n’oublie pas d’emporter ton minerai de viande pour ton week-end chez les scouts ». « Mamie, ne te fatigue pas pour le dîner, on apporte le minerai de viande. » Pendant ce temps-là, Findus se fait un sang d’encre. Son business risque de tourner en eau de boudin. Qu’il ferme, tant pis pour lui - on achève bien les chevaux…
A lire : Jonathan Safran Foer, « Faut-il manger les animaux? », L'olivier, 2010.

22 février 2013

Va te faire recuire dans un minerai de viande roumaine

Vive la France ! C’est le titre d’un film récent, dont les affiches se sont multipliées sur le quai du Thalys, ce train écarlate (le fameux « rouge thalys ») qui relie Paris et Bruxelles. Mais je ne compte pas aller le voir, car le « pitch » du réalisateur sur France2 (« La France est un beau pays, j’aime mon pays ») ne m’a pas fait envie. Premier degré, nous voilà ! Laurent Lafitte, acteur d’un autre navet franchouille, « De l’autre côté du périphérique », se livre lui aussi à un petit numéro de patriotisme dans une interview : « Je dois beaucoup à la France, j’y ai effectué mes études au Conservatoire, jamais je ne la quitterai ». S’il avait voyagé, il saurait que d’autres pays dans le monde – pas croyable !- ont réussi à construire des écoles et à former la jeunesse.
Par contre, il y a un truc qui manque, chez nous, ce sont les intellos anti-France ; ou plus exactement des gens qui interrogent les mythes fondateurs nationaux et qui critiquent leur pays. L’Amérique a (entre autres) Noam Chomski et Michael Moore, la Suisse a Jean Ziegler, Israël a Schlomo Sand. En France : rien. Le livre le plus critiqué de BHL, un personnage qui tient pourtant en laisse les médias de France et de Navarre, a été L’idéologie française, un ouvrage cinglant qui allait dans la bonne direction, celle de la réflexion de fond sur l’Hexagone. Et, quand Béatrice Durand sort son excellent essai La nouvelle idéologie française en 2010, c’est le calme plat. Même chose pour mon livre Tchao la France, accusé d’être un ramassis de lieux communs.
Il est vrai que je n’y vais pas de main morte. Je l’avoue dans ce livre, je ne dis pas merci à la France. J’y ai été scolarisée, la belle affaire ! Je n’y ai rien fait que je n’aurais pu faire ailleurs, dans d’autres pays occidentaux. J’ai eu un boulot crétin en entreprise, comme beaucoup de gens, et je n’ai pas de reconnaissance à exprimer pour ça. J’ai publié des livres qui auraient pu l’être sous d’autres cieux, la preuve : ils ont été traduits dans plusieurs langues. Je ne jouis d’aucun poste envié au sein de commissions, de comités, de conseils. Je n’ai jamais voyagé aux frais de la princesse, jamais touché un euro sur le dos du contribuable (il faut le reconnaître, par ignorance du mode d’emploi autant que par honnêteté). Je n’ai jamais bénéficié d’un emploi fictif ; euh… Pour ce dernier, il est peut-être encore temps. Alors, oui, je postule, et qu’on se le dise, j’aime la France. Je l’aime, c’est un pays magnifique, et ceux qui la critiquent sont des traîtres – mon CV, je l’envoie où ? Ces salauds d’anti-France, qu’ils aillent se faire recuire ailleurs ! Dans un minerai de viande roumaine, par exemple !

9 février 2013

No Belgium

Ne venez pas chez nous : il fait froid, il pleut tout le temps, vous aurez du mal à trouver un emploi et celui-ci sera mal payé. C’est le message que le gouvernement britannique voudrait faire passer en 2013 ; il veut « corriger l’illusion que les rues sont pavées d’or » et planche sur le lancement d’une campagne de publicité dénigrant la Grande-Bretagne auprès des Bulgares et des Roumains tentés par l’émigration.
Les Français aussi quittent leur pays en masse. Et je ne parle pas des warriors musclés qui officient au Mali, officiellement pour combattre les méchants terroristes, en réalité pour « sécuriser » les précieuses mines d’uranium du Niger voisin, indispensables au bon fonctionnement de la filière nucléaire française. "Un tiers des ampoules françaises brillent grâce au Niger", affirme un expert dans l'excellent dossier du journal espagnol El Païs, "Golpear Mali para salvar Niger" (Frapper le Mali pour sauver le Niger"), daté du 5 février dernier.
Je parles des autres Français, ceux qui s’éparpillent en Floride, font souche à Berlin, prennent racine à Londres. Et de ceux qui prennent le Thalys. En Belgique, où j’habite, il y a de plus en plus de Français. Dans ma rue, dans les bistrots, dans le tram : bientôt, ce sera à nouveau comme chez soi. Et ça, pas question. Je ne suis pas venue pour ça. Alors, amis Français, je vous en conjure : ne venez pas outre-Quiévrain. Y vivre, croyez-moi, n’est pas une sinécure. Il pleut tout l’été (de même qu’en automne, en hiver et au printemps). On mange très mal, et cher : le panier de la ménagère coûte 20% de plus qu’en France. Trouver un emploi salarié quand on ne parle pas néerlandais est mission impossible. Vous aimez le cinéma ? Sachez qu’il n’y a que six salles de cinéma à Bruxelles. Vous aimez la mer ? La côte belge est horrible, défigurée par une rangée de buildings de type HLM. Vous aimez vous promener ? Le paysage urbain est défiguré par les chats de Philippe Geluck, ces personnages difformes et niais qui polluent les rues par leur omniprésence sous forme d’affiches et de pubs.
Bref, ne me rejoignez pas. Je lance un appel du 18 juin à l’envers, cela donne Leppal ud 81 Niuj. Qu’on se le dise !

13 janvier 2013

Où sont les Frenchy Riot ?


Les femmes sont à la fête. Le Haut Conseil à l’égalité hommes-femmes est né le 8 janvier. Il s’agit de « créer des consensus autour d’une expertise renforcée », explique une ministre. Il y aura une « synergie de moyens » entre les organismes jusqu’alors chargés du dossier, qui seront « redéployés ». Le citoyen, et surtout la citoyenne, attend la suite : on imagine qu’il faudra « définir les critères », « choisir les indicateurs », « mettre en place le dispositif ». Quid des « démarches d’autoévaluation », des « tableaux de bords », des « bonnes pratiques », de la « création de valeur » ?
Il y a du boulot. En France, les écarts de salaire entre hommes et femmes sont particulièrement élevés, et où les femmes n’accèdent que rarement aux postes à responsabilité. Le Global gender gap établi tous les ans par le Forum économique mondial est sans appel : en 2012, la France se classe au 57e rang – au même niveau qu’un pays qui n’est pas connu pour son féminisme, la Russie. Cette dernière a ses Pussy Riot, à quand les Frenchy Riot ?

2 janvier 2013

No Catho

L'année 2012 a été l'année catho. On les croyait transis, balayés par l'union libre et le pacs, rencognés dans des églises en ruines, point du tout, ils tiennent la forme, ils ont la trique. Ils sont partis en croisade contre le mariage homosexuel, un dispositif qui, pourtant, ne les concerne en rien et ne leur retire rien. Les 14 pays ayant déjà donné un cadre légal au "mariage pour tous" se portent très bien, et "l'ordre symbolique" ne s'en est pas trouvé ébranlé pour si peu.
Les cathos sont aussi présents sur le champ éditorial. Avec "Le sermon sur la chute de Rome", prix Goncourt de l'année, Jérôme Ferrari invente un nouveau genre. On connaissait déjà le roman homo, le roman sado-maso, à présent voilà le roman catho. Emphase, sermon, pathos, ce livre s'édifie en prédication pour s'effondrer en prêche. Chaque titre de chapitre provient des sermons d'Augustin, une petite odeur de sacristie plane. Et, je l'avoue, je n'ai pas vu le rapport entre la vie du saint et l'ouverture d'un bar en Corse ; les deux propos de l'ouvrage, non contents d'être cousus de fil blancs, sont mal goupillonnés.
Personnages inconsistants, phrases trop longues, platitudes convenues - que veut dire l'auteur ? A quoi tout cela rime-t-il ? Pour ceux qui n'ont pas compris, voilà le message, maintes fois martelé : "Mais nous savons ceci : pour qu'un monde nouveau surgisse, il faut d'abord que meure un monde ancien". Très fort. En résumé, tout passe, tout lasse (sauf les glaces, ajoutait une réclame des années 1970). Hélas, la mauvaise littérature lasse aussi. Car ce roman flirte quand même d'un peu près avec le kitch : «Il croyait à l’éternité des choses éternelles, à leur noblesse inaltérable, inscrite au fronton d’un ciel haut et pur. Et il cessa d’y croire», «Il était comme un homme qui vient de faire fortune, après des efforts inouïs, dans une monnaie qui n’a plus cours». Le plus beau : "Une expression juvénile éclairait encore le visage de l'homme qu'il était devenu là-bas, dans ces contrées inimaginables où l'écume de la mer était translucide et luisait sous le soleil comme une gerbe de diamants". C'est du lourd. On est tellement lesté qu'on touche le fond.
"Rien ne s'épuise plus vite que l'improbable miséricorde de Dieu", nous assène Jérôme Ferrari (amen). Si : la bienveillance du lecteur.