Depuis le lundi 31 octobre, on est 7 milliards sur la planète. Bienvenue au sept-milliardième, bienvenue… Ou malvenue. Devant cette marée humaine, la presse affiche pour la première fois une pointe d’inquiétude et un soupçon de désarroi. Un ton nouveau qui étonne, tant les médias ont coutume de « dédramatiser » les enjeux de la natalité. Et pas seulement en France, un pays champion en termes de préoccupations et de politiques natalistes, où les médias se montrent plutôt pro-bébé.
Jusque là, l’opinion commune était : changeons le mode de répartition des richesses et tout ira bien. La question du nombre se résumerait à un « simple » problème de partage des ressources, puisque 20% des habitants de la planète consomment 80% de ses richesses. Poursuivons le raisonnement. Si on va par là, la guerre n’est pas un problème non plus. On entend ici et là des bruits de bottes ? Il suffit de régler les antagonismes ethniques, religieux et territoriaux - bref, de faire la paix dans le monde - et voilà le dossier « guerre » instantanément clos. Et hop, la baguette magique de Harry Potter n’aurait pas fait mieux.
Qu’on ne s'y trompe pas, je ne suis pas une militante de la décroissance. D’abord j’ai deux gosses, donc je trouve malhonnête de dire aux autres : « Ne faîtes pas comme moi ». Mais je juge également faux-cul de s’abriter derrière le paravent de l’idéalisme (« Rien n’est plus beau qu’un sourire d’enfant ») pour justifier mes choix, discutables sur le plan collectif. En fait, je suis une Indignée du bourrage de crâne et du pathos. Qu’on cesse de nous vendre l’enfant-bonheur-qui-est-notre-avenir : la grande baby’llusion, ça suffit.
31 octobre 2011
27 octobre 2011
Tintin, retourne à Moulinsart
La déferlante Tintin a commencé il y a une semaine, et elle se poursuit sans relâche. Est-il possible d’avoir un peu de répit ? D’entendre parler d’autre chose ? Je n’en peux plus : il y a du Tintin partout, sur Internet, à la télé, et même sur le nez des Thalys… Les suppléments dits « culturels » de certains journaux sont intégralement parasités par la vague jaune (avec le bleu, c’est la couleur dominante de l’affiche du film de Steven Spielberg, « Les aventures de Tintin ».)
Je comprends que Tintin intéresse les enfants, mais il semble de cet énorme tintamarre publicitaire soit aussi destiné aux adultes. Si si, les adultes sont tintinophiles, et ils vont voir le film, cela prouve qu’ils ont gardé leur âme de gosse. Moi, Tintin m’indiffère. Je l’ai aimé vers 8 ans, comme j’ai aimé « Le club des cinq », « L’étalon noir » ou « Le journal de Mickey ». Mais, vous n’allez pas le croire, j’ai grandi. Je m’intéresse à autre chose, à des trucs d’adultes, quoi. Ai-je le droit ?
Mais comment peut-on être tintino-tiède ? Quelques critiques se montrent pourtant réservés quant à la qualité du film. Les tintinophobes déclarés sont encore plus rares. Une poignée d’ex-colonisés frustrés, révulsés par les accents paternalistes de « Tintin au Congo ». Un ou deux artistes contestataires, comme le Belge Jan Bucquoy, connu entre autres pour ses talentueux pastiches et détournements du reporter à la houppe. Et certains historiens qui mettent l’accent sur le passé douteux de Hergé pendant la guerre.
Les autres doivent s’extasier devant la ligne claire d’Hergé, devant sa maîtrise du récit et des personnages. Il y en a qui vont jusqu’à analyser Tintin, le psychanalyser, le scruter de près. Un chercheur a même pondu une thèse de 700 pages qui compare les trois versions de « L’île noire ». ..
Tintin, on t’a à l’œil, et le bon. Mais s’il te plait retourne chez toi, à Moulinsart.
16 octobre 2011
C'est un monde !
Bonjour la foire aux adjectifs. La Révolution française nous avait laissé les Enragés et les Indulgents, nous avons aujourd’hui les Indignés et les Démondialisés. Les premiers sont apparus sur la scène du monde il y a quelques mois ; ces jeunes gens en colère tirent leur nom d’un livre français (« Indignez-vous ») mais, curieusement, il n’y en a pas en France. En France, pays du bon goût et de la mesure, on ne s’indigne pas car on sait rester digne, contrairement aux Suisses, aux Italiens, aux Espagnols ou aux Belges. Depuis quelques semaines, lancés par les primaires socialistes, il y a les Démondialisés ; ce sont ceux qui regrettent le monde de papa, les postes douaniers, les contrôles aux frontières et les procédures tatillonnes qui accompagnaient, il n’y a pas si longtemps, tout déplacement des marchandises et des personnes. Ces gens seraient-ils immondes, au sens de « hors du monde » ? Moi je ne suis ni Indignée ni Démondialisée – il faut dire que j’appartiens déjà au club des Exaspérés. Et, je l’espère, des Exaspérantes. Comme le disait Sacha Guitry, « du jour où j’ai compris quels étaient les gens que j’exaspérais, j’avoue que j’ai tout fait pour les exaspérer ».
Je suis quand même d’accord avec tout le monde sur ceci : le système demande à être émondé.
Je suis quand même d’accord avec tout le monde sur ceci : le système demande à être émondé.
10 octobre 2011
Mille colombes
La paix, c’est beau, c’est bien, c’est noble, c’est Nobel. Enfin, Nobel… Alfred Nobel, créateur des prix du même nom, était un célèbre marchand d’armes du XIXe siècle ; c’est sur les conseils de Florence Nightingale, pionnière des soins infirmiers modernes, que le Suédois créa une récompense pour distinguer une ou des personnalités ayant œuvré au rapprochement entre les peuples. Tout le monde le sait, les hommes font la guerre, les femmes font du « care ». Ces dernières se soucient de l’avenir de leur progéniture, donc du monde, et se montrent, naturellement et instinctivement, anti-guerre. Elles sont pacifistes jusqu’au bout des ongles, vernis ou pas.
Mais bizarrement, en plus d'un siècle, seules 12 femmes ont reçu le prestigieux prix Nobel de la paix. Le comité a fait un effort en 2011 en honorant la présidente du Libéria, Ellen Johnson-Sirleaf, sa compatriote Leymah Gbowee et la Yéménite Tawakel Karman. Mais trois, cela ne suffit pas à corriger le déséquilibre hommes-femmes qui entache le palmarès depuis sa création. Dans un souci d’équité, il aurait fallu saupoudrer davantage le prix, et l’accorder à cent femmes. Cent amazones de la paix avec une colombe blanche sur l’épaule, cent « Nobelle » : la photo aurait eu de la gueule.
Mais les voies de la paix sont impénétrables. Regardez, par exemple, le Nobel de chimie 2011 : mine de rien, il œuvre pour la réconciliation. Il a été attribué cette année à l’Israélien Daniel Shechtman, un chercheur qui découvert les quasi-cristaux ; ce sont des cristaux dont les motifs sont réguliers mais ne se répètent pas, comme… dans certains motifs de l’art islamique. Damned ! Le dessous des cartes, la structure des choses, serait-elle musulmane ? « Les mosaïques du monde arabe reproduites au niveau des atomes », s’étonne le Comité Nobel. On attend à présent qu’une équipe de chercheurs saoudiens découvre des atomes disposés en forme d’étoile de David ; une avancée majeure qui permettrait sans nul doute de cristalliser le processus de paix au Proche-Orient. L’entente entre les peuples n’est, après tout, qu’une question d’atomes…crochus.
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