9 décembre 2011

L'euro sur la rue roule ; l'euro sous la roue reste*


L’Europe est-elle à l’agonie ? Un refuznik soviétique disait jadis qu’on reconnaît un régime qui sombre à son déferlement de langue de bois. Dans ce domaine, nous les Européens, on est à la fête. Ces derniers temps, les éditoriaux de la plupart des journaux se surpassent en jargon. J’en ouvre un au hasard, je tombe sur ces phrases inénarrables : « Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain, et désigner à la vindicte populaire une Europe caricaturée. » En traduction, cela donne : « l’Europe, seuls ceux qui n’y comprennent rien trouvent que c’est caca ». Le plumitif, qui n’a pas froid aux yeux, continue en enfilant des perles : « Le populisme de gauche n’est ni moins vulgaire ni moins dangereux que le populisme dominant, de droite, qui fait des ravages dans d’autres pays de l’Union Européenne, et qui s’alimente pour partie de simplismes anti-européens ». Magnifique : vous rêvez d’un autre monde ? Eh bien, vous avez tort, et ce tort tue l’euro. Vous êtes aussi demeuré et pleutre que ces salauds de fachos.

On retient son souffle, l’article continue. La phrase définitive qui suit mérite qu’on la médite : « L’Europe est un grand projet politique, qui se trouve être notre seule planche de salut ». Le comité central n’aurait pas mieux enfoncé le clou. Pourquoi le dire et le redire, si c’est si évident ? Et l’article se termine en apothéose : « Plutôt que de la dénigrer, mettons toute l’énergie possible à améliorer l’Europe et à la démocratiser. » Voilà lecteur, c’est toi qu’on attend pour sauver l’euro, engage-toi et rengage-toi. Tu n’as pas ratifié le pacte de stabilité ? Groß erreur ! Et en plus tu as voté « non » en 2005 ! Mais alors, c’est ta faute, tout ce bordel ! Police, arrêtez cet homme ! Il a douté au fond de son cœur ! Il n’a pas signé ! Il est coupable !

*Fait partie des phrases impossibles à prononcer, de même que « seize jacinthes sèchent dans seize sachets secs ».