Le trentième anniversaire du 10 mai 1981 nous submerge de colloques, d’articles, de livres, d’émissions télé consacrés à François Mitterrand. Il en pleut de partout, moi j’ai enfilé mon ciré, gare aux éclaboussures. Je suis étonnée de ce qu’on puisse, au premier degré, « saluer la mémoire de cet homme ». C’est quand même le type qui a capté l'héritage socialiste à des fins impénétrables (les siennes), mais certainement pas sociales. Copinage, filouteries et mensonges, telles furent les couleurs des années Tonton. Avec la complicité de son entourage et des médias, il a fait avaler aux Français toutes les couleuvres de sa vie. Le rusé s’est arrangé pour les distiller en loucedé et a soigneusement orchestré leur mise à jour : son passé d'extrême droite, Bousquet, les scandales de l'Élysée, sa seconde vie de couple, sa fille « adultérine », son cancer. Défi à la servilité ? Mépris souverain du peuple et des autres ?
Comme l’écrit si bien Jean Baudrillard, il reste de Mitterrand le sarcasme, la manipulation figée du Commandeur, l'ironie obscure et dominatrice de celui qui tient la place du mort. Ce que le masque figé et le pâle sourire incertain exprimaient déjà, de même que sa fameuse phrase flirtant avec le kitch, « je crois aux forces de l’esprit ». Reste de lui la conviction, bien ancrée en certains d’entre nous, que rien ne peut changer – ça fait pas mal d’années que je ne vais plus voter. Une vérité amère qui condamne une gauche durablement dévitalisée par les métastases mitterrandiennes à perdre les élections présidentielles. Quoique… L’année 2012 sera l’année du dragon, et, si l’on en croit le site asiaflash.com, une année favorable aux initiatives les plus insensées et aux réussites les plus folles. Il faudra au moins ça pour conjurer les mauvaises ondes de celui qui se fiche de nous là-haut. Vade retro miterrandas !
Lire : Jean Baudrillard, « L’ombre du Commandeur », Libération, 5 février 1996.