27 juin 2013

En différé du Front

Vous, ça va ? Moi, pas trop. Ce doit être la météo ("en berne", pour adopter le jargon journalistique). Heureusement, un livre récent nous apprend à nous soigner. Le corps a paraît-il une capacité incroyable à se guérir tout seul ; c’est la résilience à la portée de tous. Quelques conseils simples : déféquer accroupi (cela dégage les sphincters), rouler des pelles (un merveilleux anti-stress) et boire du jus de cerise pour vaincre l’insomnie. Et pour digérer les nouvelles mi-figue mi-raisin, qu’est-ce qu’on fait, docteur ?
Car l'"actu", même "décryptée" par des experts, a une mine blafarde. L’élection législative partielle de Villeneuve-sur-Lot a vu s’affronter un apparatchik UMP cumulard, Jean-Louis Costes (déjà maire de Fumel, conseiller général, président de la communauté de communes et fonctionnaire territorial), et un candidat Front National, Etienne Bousquet-Cassagne. Youpi dans les tipis, l’hydre fasciste a été vaincue (de peu). Mais la vraie question, c'est : comment les électeurs ont-ils pu aller voter ? Il était difficile de se lever pour Danette, se mobiliser pour de telles bouffonneries risque de s'avérer impossible. Comme l'écrit Slavoj Zizek dans son ouvrage Violence : "Mieux vaut ne rien faire que de s'engager dans des actes isolés dont la fonction suprême est de huiler davantage les rouages du système".

Bonus : le détail amusant, c’est que l’homme politique Jean-Louis Costes a un homonyme, l’artiste trash Jean-Louis Costes. Qui chante : "Où sont partis les nazis ?". Bonne question, où sont-ils partis ?

17 juin 2013

Faut que je me tire ailleurs

Nos jeunes n'aiment plus le pays qui leur donné l'égalité, la fraternité, et bien d'autres choses encore. 27 % de jeunes diplômés estiment que leur avenir professionnel se situe hors de France contre 13 % il y a un an (sondage du cabinet Deloitte). Et 50 % des 18-24 ans aimeraient quitter la France pour vivre dans un autre pays (sondage ViaVoice) ! La France serait-elle ainsi en passe de devenir un pays d’émigration ? Les médias découvrent le phénomène à la manière dont une poule trouve un couteau. Que dire de cette « évolution sociétale » qu’ils n’ont pas vu venir ? Est-ce une « tendance forte » ? S’agit-il d’une « dynamique positive », ou d’une « dérive » ? Combien de jeunes réussiront à se procurer le « précieux sésame » leur ouvrant la frontière d’un autre pays ?
Ils veulent mettre les voiles, bande d'ingrats ! A quoi servent les emplois de non-avenir créés exprès pour eux par François Hollande ? Et les leçons de morale bassinées sur le thème « la France est un beau pays », « on n’est pas mieux ailleurs », « chez nous la laïcité est une valeur » ?
Partir, oui partir. Même Michel Sardou le dit. « Si j’avais 25 ans, je quitterais probablement la France », affirme l’ex-chanteur patriote dans une interview. Oui, vous vous souvenez, c’est celui qui chantait dans les années 1970 « Ne m’appelez plus jamais France » - en référence au bateau, pas au pays. Michel Sardou envisagerait-il un tube sur l’émigration des Français ? Je me charge du texte. Qui a dit qu’en France, tout se termine par une chanson ?

6 juin 2013

Quand est-ce qu'on se couche ?


On annonce un été pourri. Que faire ? Rester coucher ? Attention, le sexe c’est dangereux. La pratique régulière du cunilingus serait « à haut risque » comme s’expriment les journalistes. On apprend grâce à Michael Douglas qu’il existe un lien de cause à effet entre certaines pratiques orales et le cancer de la gorge. Sucer tue ? Est-ce l’abus du 69 qui expliquerait l’état de santé dégradé de celui qui incarna jadis l’impitoyable trader de Wall Street, Gordon Gekko ? Motus et bouche cousue. On retiendra seulement que la langue de l’acteur a fourché lors d’une interview, et à présent il en bave.
Les langues bien pendues en font des gorges chaudes. Prudence quand même. Pour filer au plumard, mieux vaut attendre le « lybrido », ce Viagra pour les femmes. La pilule de l’orgasme garanti sur facture n’est pas encore au point, mais pourrait être commercialisée en 2016. Certains frileux, pourtant, traînent des pieds. Interviewé par le New York Times, le Dr Andrew Goldstein, qui participe aux tests, affirme que plusieurs confrères craignent de voir les femmes transformées en nymphomanes. « Plusieurs  consultants de l'industrie pharmaceutique m'ont  dit que les sociétés craignaient que les résultats de leur étude soient trop forts et que la FDA (Food and Drug Administration) ne rejette leur produit.  Elle pourrait estimer que la substance risque de conduire à des excès sexuels, des adultères en pagaille, et à une fracture sociale ». Qu’allons-nous devenir si la famille, ce n’était plus « un papa et une maman », comme le clament les cathos à serre-tête, mais « un papa et une salope » ?
Oui, qu’arriverait-il si, enfin, on pouvait (une heure, une heure seulement) répondre à la question laissée ouverte par Freud – « que veut la femme ? » Comme ce serait angoissant pour nos amis les hommes ! Quoi, transformer de sages mères de famille en nymphomanes prêtes à faire exploser la cellule familiale ! Et à mettre à bas la société toute entière ! Je veux m’éclater, sinon je pète tout ! Vous imaginez le risque ! Si c’est de la dynamite, ce truc, pourquoi on en balancerait pas des cargaisons au-dessus de la Syrie ? Pan dans les dents ! Le dicton du jour : lybrido aux fourneaux, Assad au culbuto.

27 mai 2013

Célibataires de tous les pays, unissons-nous.

Des dizaines de milliers de personnes étaient dans la rue hier à Paris pour s’opposer au « mariage pour tous ». Vu de l’étranger, on s’étonne un peu (« on savait que la France était un pays vieillot, mais là quand même… »). Au nom de « l’institution immémoriale du mariage », et de « l’ordre symbolique », les manifestants venus de la cathosphère dénoncent le mariage homo comme une mascarade.
En réalité, c’est le mariage qui en est une. Moi, je ne me suis jamais mariée, et je m'en porte très bien. Je propose d’instaurer urbi et orbi le mariage pour personne. A quoi sert le mariage civil, à l’heure où plus de la moitié des enfants naissent hors mariage ? Il ne sert, en fait, qu’à transmettre les inégalités d’une génération à l’autre. Qu’à servir de cadre à l’exploitation de la femme par l’homme. Et qu’à diminuer les frais de succession. Sacro-sainte propriété privée !
Que les antis continuent de se battre pour leur vieux gâteau rance : ils ne lâcheront rien ? Moi, je lâche ce cri : « vive l’abolition du mariage ».

16 mai 2013

A l'Intello Academy, the winner is...

Ça bouge. Tant mieux, on se faisait chier. Les Indignés, Les Occupy Wall Street, Wikileaks, les Anonymous, les Femens… J’essaie de comprendre. A la bibli, je prends par hasard le livre « Où est passée la critique sociale ? » de Philippe Corcuff (paru en 2012 aux éditions la Découverte), en apparence consacré au sujet. Mauvaise pioche. Je le feuillette, je suis d'emblée rebutée par le style universitaire. Jusqu’au moment où je tombe sur un passage qui aurait sans aucun doute inspiré Molière. C’est un commentaire d’une chanson de Michel Jonasz, rédigé par la plume lourdingue d’un type jargonnant qui joue au jeu de Kikalairplusintelligent. Cela vaut son pesant de boudin. Voici la page 44, le lecteur savourera :

 « Dans les vacances au bord de la mer, l’expérience de l’inégalité sociale, les contraintes et les incapacités sont thématisées à la manière d’une sociologie critique, mais selon un autre jeux de langage :
 
On allait au bord de la mer/Avec mon père, ma sœur, ma mère/On regardait les autres gens/Comme il dépensait leur argent/Nous il fallait faire attention/ Quand on avait payé le prix d’une location/Il ne nous restait plus grand-chose.

Cela donne une tonalité mélancolique au texte, parfois au bord du ressentiment. Le spectacle désenchanté du poids de la domination n’appartient pas seulement aux discours en surplomb de type situationniste ou postsituationniste, il peut participer du rapport ordinaire à la domination :

Alors on regardait les bateaux/On suçait des glaces à l’eau/ Les palaces, les restaurants/On faisait que passer devant.

Pourtant, ce poids des incapacités ne tend pas à occuper tout l’espace, contrairement aux tentations dominocentrées. Tout d’abord parce qu’il peut être mis en paroles critiques. Mais aussi parce que l’expérience apparaît dotée d’ambivalences. Il y a des petits bonheurs qui restent nostalgiquement gravés, un peu à l’écart de l’épreuve du manque, et pour lesquels la déploration misérabiliste de l’aliénation généralisée exprime souvent un mépris implicite… »

 Cela continue ensuite, la page 45 est de la même eau. Heureusement, certains écrivent des chansons et pas des essais lourdingues. Et si on allait plutôt voir les bateaux ?

22 avril 2013

Regarde les hommes partir

La France s’affole, les riches partent. Le nombre d’exilés fiscaux aurait été multiplié par cinq depuis juillet dernier. Un chiffre de 5000 départs que le ministère de Budget ne confirme pas. Les Belges, eux, s’inquiètent d’une autre émigration, très différente, celle des jeunes Belges partis combattre en Syrie aux côtés des rebelles. La presse s’affole : ils seraient déjà 200 volontaires à avoir rallié les forces anti-Assad ! Les organisations musulmanes condamnent. La situation est grave car la guerre, c’est contagieux. Comment fera-t-on pour « recycler » les combattants quand ils rentreront au bercail ? Comment les réhabituer à prendre le tram, manger de l’américain-frites, à supporter la « drache » (pluie) 300 jours par an en moyenne ? Les pouvoirs publics songent à édicter un arrêté royal interdisant aux ressortissants belges de se battre en Syrie. Voilà une bonne idée ! Cessez de vous faire la belle, le gouvernement-qui-veut-votre-bien vous l’interdit.
Reviendez, reviendez ! Le braqueur Redoine Faïd, auteur d’une spectaculaire évasion de la prison de Sequedin (Lille) la semaine dernière, entendra-t-il lui aussi le message ? Mais où est-il ? Par monts et par vaux ? Méditons le mot d’Alexandre Dumas : « Cette route de l'exil, dont le chemin est si large pour ceux qui partent, si étroit pour ceux qui reviennent ».

4 avril 2013

Merde in France

Les Français ont 20% de chance en moins d'être heureux, affirme une chercheuse, Claudia Selnik. Ses recherches portent sur « l’économie du bonheur ». On a tendance à pouffer de rire ; quand l'économie du malheur sera-t-elle étudiée et scrutée ? Et celle de l'ennui ? Selon cette chercheuse, il y a une dimension culturelle du bonheur (on s'en doutait un peu, vu que le terme est aussi glissant qu'une anguille..). Et les Français, structurellement, seraient malheureux. Ils sont les manchots du bonheur, pas de bras pas de chocolat.
A force de mesures statistiques forcément très savantes, Selnik a mis en évidence l’existence d’une mélancolie française, d’une inaptitude des Français à se dire aussi heureux qu’ils le devraient. « Le malheur français, c'est quelque chose qu'on emporte avec soi », affirme-t-elle. Même quand on quitte son pays. Nous sommes maudits, la merde française nous collerait-elle aux semelles ?
Moi, je me sens très bien. C’est parce que je viens de voir à la télé Kalki Koechlin, une actrice née à Pondichéry de parents français : c'est la nouvelle star de Bollywood (oui, ces films indiens super-guimauves à côté desquels les westerns spaghettis ressemblent à du Sophocle). Kalki parle français avec un accent étonnant et elle est radieuse. C'est une Marianne d’un nouveau style à elle toute seule. Je vote Kalki.
Elle est plus convaincante que Véronique Genest, comédienne devenue d’un coup de baguette cathodique la suppléante d’un candidat à l’élection législative partielle dans la 8e circonscription des Français de l’étranger. Celle qui s’est pris les pieds dans le tapis avec un lapsus (« je suis un étron libre ») qui fait rire tout le monde ferait mieux de rester chez elle. Electron, étron… la voilà marron.