3 juin 2011
“The tree of life” : quand Bambi traverse le styx
Le film « The tree of life » est un film extra-doux. On ressort de là dans un drôle d’état : navré, embarbouillé, tout confus de niaiserie. On a les jambes lourdes d’avoir traversé un si long marécage. Cette matière collante et glissante, qui gicle de partout, c’est quoi, au fond ? De l’âme ? De l’âme en poncifs ? De la belle âme ? Quelque chose d’assez indigeste pour que l’envie de se moquer et de ricaner se soit éteinte au fil des images. N’empêche que ça plait. Les critiques sont bonnes, peu reculent devant ce monument de kitch new age. Ça plane. Rien ne fait peur à Terrence Malick. Terre vue du ciel, dinosaures, parcs naturels américains, paramécies, c’est beau la vie. On a de la chance de vivre sur terre. L’actrice est belle, ses vêtements sont larges, elle est pieds-nus, elle marche lentement ; une voix off susurre des choses profondes, tandis que la musique (une messe) nous fait comprendre que c’est très-très profond. Dès fois que le spectateur n’aurait pas compris… Emotion, c’est le cri de ralliement. On n’en revient pas de tout ce nirvana. A un moment, le film manque de basculer – le père est vraiment trop autoritaire. Mais qu’on se rassure, ça ne dure pas. Finalement, la famille, tout compte fait, c’est de l’amour. Et voilà. Du point de vue de la morale, c’est irréprochable. Du point de vue du neuf, ou simplement de l’humour, c’est un désastre, pas l’ombre d’un trait d’esprit, pas une once d’ironie, tout est d’un premier degré abject. Et, je vous le donne en mille, la sagesse de la fin, injectée sous forme d’un prosélytisme de l’Inexprimable : par amour, on peut accepter de perdre un être cher. Par amour. Vous comprenez ? Cela va loin, n’est-ce pas. Bienvenue au royaume de la nouvelle religiosité enchantée. Mais rien n’est perdu : le spectacle de tous ces metteurs en scène en train de prendre la route des mythes et des contes de fées est en lui-même un sujet de film. De film comique, bien entendu.