2 janvier 2013

No Catho

L'année 2012 a été l'année catho. On les croyait transis, balayés par l'union libre et le pacs, rencognés dans des églises en ruines, point du tout, ils tiennent la forme, ils ont la trique. Ils sont partis en croisade contre le mariage homosexuel, un dispositif qui, pourtant, ne les concerne en rien et ne leur retire rien. Les 14 pays ayant déjà donné un cadre légal au "mariage pour tous" se portent très bien, et "l'ordre symbolique" ne s'en est pas trouvé ébranlé pour si peu.
Les cathos sont aussi présents sur le champ éditorial. Avec "Le sermon sur la chute de Rome", prix Goncourt de l'année, Jérôme Ferrari invente un nouveau genre. On connaissait déjà le roman homo, le roman sado-maso, à présent voilà le roman catho. Emphase, sermon, pathos, ce livre s'édifie en prédication pour s'effondrer en prêche. Chaque titre de chapitre provient des sermons d'Augustin, une petite odeur de sacristie plane. Et, je l'avoue, je n'ai pas vu le rapport entre la vie du saint et l'ouverture d'un bar en Corse ; les deux propos de l'ouvrage, non contents d'être cousus de fil blancs, sont mal goupillonnés.
Personnages inconsistants, phrases trop longues, platitudes convenues - que veut dire l'auteur ? A quoi tout cela rime-t-il ? Pour ceux qui n'ont pas compris, voilà le message, maintes fois martelé : "Mais nous savons ceci : pour qu'un monde nouveau surgisse, il faut d'abord que meure un monde ancien". Très fort. En résumé, tout passe, tout lasse (sauf les glaces, ajoutait une réclame des années 1970). Hélas, la mauvaise littérature lasse aussi. Car ce roman flirte quand même d'un peu près avec le kitch : «Il croyait à l’éternité des choses éternelles, à leur noblesse inaltérable, inscrite au fronton d’un ciel haut et pur. Et il cessa d’y croire», «Il était comme un homme qui vient de faire fortune, après des efforts inouïs, dans une monnaie qui n’a plus cours». Le plus beau : "Une expression juvénile éclairait encore le visage de l'homme qu'il était devenu là-bas, dans ces contrées inimaginables où l'écume de la mer était translucide et luisait sous le soleil comme une gerbe de diamants". C'est du lourd. On est tellement lesté qu'on touche le fond.
"Rien ne s'épuise plus vite que l'improbable miséricorde de Dieu", nous assène Jérôme Ferrari (amen). Si : la bienveillance du lecteur.

17 décembre 2012

Depardieu se fait la malle, scandale national

Gérard Depardieu quitte la France et s’installe en Belgique. Quand il brûlera son passeport, ce sera sans nul doute très cinématographique. Il a certainement lu « Tchao la France », un livre qui était destiné à mes compatriotes qui rament et non à ceux qui optimisent leur fiscalité - on ne sait jamais à qui on s’adresse quand on écrit. Toujours est-il qu’on assiste à un déferlement nationaliste dans les médias français. Faire la nique à notre beau pays, quel salaud ce Gérard ! Déserteur, mauvais patriote ! Attention, la chasse au mauvais Français est ouverte. Mais l’honneur de la patrie est sauf, car on apprend à point nommé que l’écrivain Michel Houellebecq, lui, revient.


Il est vrai que depuis des siècles ceux qui quittent le pays, volontairement ou pas, sont suspects : les Protestants, les nobles sous la Révolution, les rebelles de 1848, les Communards… Autant de traîtres et de renégats. Face au psychodrame Depardieu, le gouvernement se déchaîne : leçons de morale citoyennes, projet de réforme de la nationalité, il lui faut agir. Au lieu de promettre des fessées, nos édiles feraient mieux de s’occuper de leurs fesses. Le non-cumul des mandats, réforme qui devait être la « nouvelle frontière » du PS, ça en est où ? Disparu, évaporé ? Se serait-il lui aussi fait la malle ?

13 décembre 2012

C'est beau comme l'antique

Un mini-Louvre a ouvert le 4 décembre à Lens, dans le Nord de la France. Est-ce une « antenne » du Louvre de Paris ? Un « satellite » ? Une « nouvelle aile » ? Le statut de cette nouvelle institution, qui a été « chapeautée » par le conseil régional, est peu clair. Il serait trivial de la décrire comme une simple filiale du Louvre. Le Guggenheim, L’Hermitage, ont « essaimé », pourquoi pas le Louvre ?
Le lecteur de ce billet l’a compris, la langue de bois s’impose dans la presse. Le Louvre-Lens n’est pas un musée, c’est un « espace muséal », doté d’une « scénographie novatrice » (magnifique pathos ! Les photos nous montrent pourtant des œuvres présentées bêtement sur un sol blanc, et montées sur de banals socles au look d'iPhone, blancs eux aussi. Ne manque que l’équipe médicale).
Pas de doute, les nombreux chômeurs du coin vont apprécier. Pensez, tout ce qu’on fait pour eux ! Le mini-machin doit créer une « dynamique » destinée à « revitaliser » le « territoire ». Car l’art, c’est bien connu, est un « réparateur de crise industrielle » (ah bon ?). A condition, bien sûr, que la population locale se « l’approprie ». Ce qui demeure à voir. Si ce n’est pas le cas, elle aura bientôt une cession de rattrapage à l’aéroport de Roissy, situé à seulement deux heures de route de là.
Oui, ô merveille, le terminal E2 va lui aussi se doter d’un « espace muséal » (encore !) de 250 m2. Le « concept » est inédit mais la « démarche » existe déjà en Hollande et aux Etats-Unis. Ce sera Rodin qui ouvrira le bal car, comme l’explique le cofondateur du projet, Francis Briest , « On a pensé que Rodin portait un message universel ». Bravo ! Finement analysé ! Et tout cela constituera rien moins qu’un « entonnoir de culture », écrit le Figaro. J’ai déjà les dents du fond qui baignent… Et à Notre-Dame-des-Landes, ils ont prévu quoi ?

26 novembre 2012

ça plane pour moi


J’ai passé le week-end à Notre-Dame-des-Landes, en Bretagne. Une chouette destination pour se ressourcer au vert. Car du vert il y en a là-bas, du moins pour l’instant. Jouxtant le bocage, le voyageur esthète déplore pourtant une zone péri-urbaine moche. Elle s’explique par le dynamisme de la fécondité française (on ne lui dit pas merci). Pour autant, celle-ci ne justifie pas la construction d’une nouvelle aérogare : il y a en déjà 5 dans le coin. Et la France compte déjà 156 aérodromes, contre 44 en Allemagne, 43 en Grande-Bretagne.

« Pas d’aéroport » est le mot d’ordre. Le concept est fédérateur. Aussi, la diversité des participants est-elle au rendez-vous : paysans bourrus, seniors tranquilles, jeunes portant bonnets péruviens ou dreadlocks… Un carrefour générationnel. Certains participants s’expriment avec une pointe d’accent allemand ou anglais, et ce sont de véritables ambassadeurs de l’approche multiculturelle. Tout ce petit monde, de plus en plus nombreux, converge pour transformer l’endroit en lieu de vie convivial. C’est chaleureux et sans chichis.

Si vous devez vous rendre sur la « zone à défendre », comme on dit en dialecte local, évitez les plateforme boots et les talonnettes. Ce n’est pas très pratique pour courir à travers champs et contourner les barrages des forces de l’ordre. Le dress code ne pardonne pas dans une région qui, il faut le dire, ressemble à un marécage dès qu’il pleut, c’est-à-dire souvent.

Vous avez aimé les seventies ? Vous allez adorer Notre-Dame-des-Landes (NDDL, pour les initiés). Une multitude d’activités ludiques, chaque jour renouvelées, y sont proposées : parcours accrobranches, ateliers de construction solidaire, camping à la ferme, pique-nique géant, occupation et réoccupation de cabanes, cache-cache avec les gendarmes… Attention car ceux-ci, emportés par la fièvre du moment, ne connaissent pas leur force. Côtes cassées au flashball, plaies, problèmes oculaires et auditifs dus aux grenades lacrymogènes et assourdissantes ? Un PC de secours vous tendra les bras.

Ce qui compte, c'est que l'éthique soit au rendez-vous. Toutes ces activités anti-aéroport sont citoyennes et respectueuses de la biodiversité. NDDL se positionne donc comme the place to be. Mais un autre site, la forêt de Hambach en Allemagne, rivalise auprès du public pour le dynamisme de l’animation. Là-bas, des activistes occupent un lieu destiné à devenir une gigantesque mine de lignite à ciel ouvert. Très tentant pour le week-end prochain. J’hésite. Depuis Bruxelles, il est plus facile de se rendre à Hambach. Car le point noir de NDDL, c’est quand même l’absence d’aéroport…

20 novembre 2012

La France en string

Une vaste cabale anti-France est en cours. Tout le monde s'acharne contre l'Hexagone. Comme ils sont méchants ! Après l'agence de notation Standard and Poor's il y a quelques mois, c'est au tour de Moody's de lui retirer un A, un tour de cochon alphabétique qui sanctionne la perte de compétitivité du pays (j'adore le mot "compétitivité" : personne ne sait exactement ce qu'il signifie). Rien d'étonnant selon The Economist, magazine britannique revanchard qui consacre un dossier peu amène à la France, cette "bombe à retardement au coeur de l'Europe". Un pays poussif, endetté, dirigé par des mous, écrasé par le poid de l'Etat, où les salariés coûtent trop cher aux employeurs... Trop cher ? Qui est trop cher ? L'hebdomadaire oublie de dire que les patrons français sont mieux payés que leurs homologues européens (selon l'European Corporate Governance Institute). Et ce n'est pas Arnaud Lagardère, à la tête d'un groupe de 27000 salariés, qui va redorer le blason des patrons. Arnaud, désormais "Nono", présente sans tabou sa vie avec la très jeune (et très grande) Jade dans un documentaire montré par la RTBF belge le 13 novembre dernier. La tonalité de bling-bling vulgos du film constitue une vraie bombe anti-patriotique. Ce n'est plus un short qu'on taille à la France, c'est un string. La question n'est plus "Comment peut-on être Français ?", mais bel et bien "Comment peut-on vivre en France?"

14 novembre 2012

Les Indignés de l'édition


Les « caves » du monde du Livre se rebiffent. Une quinzaine d’auteurs et scénaristes de renom de Casterman, une maison de BD récemment rachetée par Gallimard, protestent contre les diktats de leur nouveau propriétaire. Ils se sentent, disent-ils, « instrumentalisés en vue d’un transfert purement capitalistique ». C’est hélas la triste condition de l’auteur dans ce monde de brutes qu’est l’édition.

Un univers impitoyable qui compte d’autres Indignés, certes moins prestigieux, mais non moins remuants. Il s’agit de ceux qui sont restés sur le carreau suite au rachat des éditions Michalon par Max Milo en 2009. Le « dîner des cons » que nous avons organisé il y a quelques années a permis d'informer sur certains « dirty secrets » que les éditions auraient préféré garder sous le tapis. Michalon, qui prétend défendre « l’effervescence du débat », a alors porté plainte pour diffamation contre certains d’entre nous. Notons qu’il n’est pas fréquent qu’un éditeur intente un procès de ce genre à ses auteurs et collaborateurs.

Le verdict a été rendu le 13 novembre 2012 par la 17e chambre correctionnelle de Paris, et il est très clément eu égard à la virulence de nos propos. Clément Maraud, ex-correcteur, et moi, nous avons tous deux été condamnés à verser à Yves Michalon un euro de dommages et intérêts. Serge Delbono, webmaster, a été relaxé. Quant aux propos qui me sont reprochés, ils ne figurent pas sur ce site Internet, qui restera donc en l’état (voir la rubrique d'à côté, "Michalon piège à c..." et ses témoignages édifiants). Michalon n'a pas obtenu ce qu'il demandait : rien moins qu'une publication judiciaire dans Le Monde et Le Figaro. C'est donc une victoire pour nous.

Le Tribunal a manifestement tenu compte des conditions discutables de la reprise de Michalon par Max Milo, du montant abyssal des pertes accumulées, du nombre anormal des procédures judiciaires engagées contre cette maison d'édition depuis sa création, et de la curieuse confusion entre les « éditions Michalon », « Michalon éditions », « Yves Michalon Editeur » et Yves Michalon lui-même. De plus, comme l'un de nos témoins l'a affirmé, les « michalonnades » continuent depuis la reprise.

On retiendra de ce procès l'invraisemblable ligne de défense d'Yves Michalon, expliquant benoîtement à la Cour que ce seraient ses auteurs et sous-traitants qui devraient porter le chapeau de sa faillite. En effet, les impudents ont demandé à être payés ! Où irions-nous si tous les créanciers exigeaient leur dû ! L'économie s'effondrerait !
Bref, comme l’écrivait le Canard Enchaîné dans son édition d’il y a trois semaines, « Porter plainte pour diffamation, c’est toujours porter plainte contre soi-même ».